Santé publique
[…] Il s’agit, par exemple, d’analyser la subordination de la pratique de la médecine à la gouvernance par les nombres, et de proposer les conditions de son émancipation (« Reconquérir le pouvoir sur nos corps ») ; ou encore d’étudier les mécanismes de marchandisation des produits pharmaceutiques et d’y opposer la formulation d’un système alternatif de brevet et d’un financement par l’investissement (« Rétribuer la recherche ») ; on y cartographie les diverses expériences historiques et fictionnelles des formes d’autonomie face à l’exclusion, l’oppression ou la stigmatisation (« La carte de la clémence ») ; certain·e·s décortiquent le fonctionnement de la Sécurité sociale et sa destruction par d’absurdes objectifs de rentabilité, et suggèrent par conséquent la création indépendante d’une organisation de Santé Collective (« Et si nous perdions cette bataille ? ») ; d’autres, enfin, engagent une réflexion sur l’altérité et ses mécanismes de perception à travers les images du malade, du monstre ou du fou, esquissant l’avenir souhaitable de leur banalisation (« Reflets modernes et conflits réels »).
Extrait de “De l’endoctrinement” – A. Durrmeyer, A. Tripoz paru dans Après la révolution, Santé publique, Décembre 2019
Les travaux présentés ici et la pédagogie qui les anime ne sont pas des activitées de l’association. En savoir plus
1 – Reconquérir le pouvoir sur nos corps
Léa Clémaron, Isadora Lamaudière, Clément Grosjean
Y a t’il eu une intensification de l’intervention politique en médecine à travers l’histoire ?
Nous avons répertorié, depuis l’antiquité, une grande quantité de formes d’organisation de la santé et de lois qui ont été à l’origine de ces organisations en France. Cette analyse historique des structures met en évidence une réelle intensification de la création de ces organisations depuis la fin du XXe siècle.
L’idée fondamentale de l’hypothèse que nous proposons de mettre en débat est de recentrer la médecine sur les valeurs énoncées dans le serment d’Hippocrate. En effet, le corps médical actuel n’offre pas toujours un traitement adéquat ou juste aux patients. Le poids de certaines décisions politiques leur laisse, parfois, une marge de manœuvre très limitée. Actuellement, la profession médicale a une forte emprise sur les patients. Nous considérons qu’ils ont la connaissance, c’est pourquoi nous avons tendance à accepter plus facilement les choses provenant d’eux. (…) nous aimerions rendre le pouvoir des corps aux patients et aux citoyens, plutôt qu’au corps médical. Deux hypothèses de travail :
1. Supprimer la politique chiffre dans les hôpitaux
2. Redonner les choix et le pouvoir aux citoyens/patients
2 – La santé et le marché
MacieJ Monszant, Ugo Costa
Aujourd’hui, 2 milliards de personnes n’ont pas accès aux médicaments, soit près d’un tiers de la population mondiale. Nous pensons que la cause principale de cet important nombre de morts qui pourraient être évités est le coût prohibitif des médicaments qui rend l’accès difficile aux soins. Il nous apparaît, en explorant les tensions entre la santé et le marché, que le coût et donc l’accès, aux médicaments dépend principalement des marges bénéficiaires réalisées par les grandes entreprises pharmaceutiques dans le processus de production des médicaments. Nous croyons que le rôle le plus déterminant dans le phénomène du prix élevé des médicaments est la mécanique du brevetage des médicaments.
Les connaissances engageant la vie et la mort d’êtres humains devraient-elles être possédées et contrôlées ? Et si les brevets étaient supprimés ?
Aujourd’hui, à l’heure du marché des médicaments, les compagnies pharmaceutiques sont en concurrence et sont ainsi amenées à garder les progrès de leurs recherches secrets. De fait, de nombreuses entreprises dépensent énormément de moyens pour travailler sur le même problème. Avec le modèle coopératif, toute la connaissance sur la production de tous les médicaments serait accessible à tou·te·s, évitant ainsi la duplication inutile des efforts et permettant de développer de nouveaux médicaments plus rapide- ment et moins cher. Ce dispositif occasionnerait la création d’une grande machine de recherche au lieu de nombreux concurrents individuels.
3 – Antipsychiatrie et le management politique de la santé
Sylvain Chaduc, Justien Maes
Je me réveille et trouve une carte à côté de moi. Je la ramasse et je commence à l’étudier, étant curieux·se et désireux·se de com- prendre ce qui est écrit dessus et pourquoi.
Carnavalesque est, comme je l’ai appris, un moment une fois par an, durant lequel les rôles sont inversés et où la hiérarchie ayant cours est jetée par la fenêtre.
Les pirates, de ce que j’en sais, vivent en communauté sur des navires. Ces navires deviennent des mondes anarchistes flottants où les gains acquis sont répartis également.
Tout comme le Palais Royal où la police n’était pas autorisée et qui est devenu un lieu de jeu, de boisson et de prostitution. Un contre-lieu de différence dans la société.
Peut-être que ces sociétés décrites sur la carte ont toutes des éléments de vérité ? Ayant toujours du mal à y croire, je continue d’explorer d’autres communautés sur la carte.
Après avoir regardé plus longtemps et mieux, je commence à voir comment la stigmatisation est un problème majeur dans ma société puisqu’il a un impact réel sur la santé. Peut-être que ces exemples de sociétés différentes donnent une réponse à ce problème.
Attachées à la carte, je trouve des cartes postales avec écrit au verso « Clémence », et à côté de chacune d’elles, une phrase. Sur le devant de chaque carte postale se trouve un dessin, chacun montrant un nouveau monde. J’ai lu les cartes postales une par une…
4 – Et si nous perdions ce combat?
Maxime Labrosse, Amélie Tripoz
En 1946, les travailleur·euse·s elleux-mêmes par l’intermédiaire des syndicats, appliquent les me- sures révolutionnaires fournies par le gouvernement. Ce progrès social n’est pas une invention. Il rassemble des initiatives locales et sectorielles de groupes professionnels concernant la santé publique, la retraite, la famille, le chômage qui lui pré- existaient… L’objectif est alors d’unifier la protection sociale sur le territoire national. À l’origine, ce système est conçu sur quatre principes. Le but est de créer une démocratie sociale. Mais ces fondamentaux sont attaqués depuis 1945.
Nous croyons à une réaction sous forme de Guérilla: le pouvoir ci- vil a construit la Sécurité sociale par les syndicats, le pouvoir civil peut reconstruire un service de santé essentiel à l’échelle locale. C’est ce que nous appelons une Santé Collective. Afin de ne pas rester spectateurs·trices de la destruction programmée de la Sécurité sociale en France, nous avons imaginé ces trois scénarios d’autodéfense face à la libéralisation de ce bien collectif précieux. Cette relocalisation de la Sécurité sociale est basée sur la volonté de changer les choses. C’est la naissance de l’Association des soins de santé.
En attaquant les fondamentaux de la Protection Sociale, les mouvements libéraux ne savent pas qu’ils pourraient finalement jeter les bases d’un fervent engagement civil en matière de santé collective.
5 – Maladies imaginées et imaginaires de la maladie
Jessica Paci, Mathieu Rossi
Nous allons essayer d’explorer ce que sont les maladies imaginaires et les imaginaires de la maladie en nous questionnant ainsi : comment nous racontons-nous notre monde ? Comment représentons-nous nos espaces et notre temps et avec quel langage ? Notre objectif premier sera de bien com- prendre quelle place est réservée à l’autre et ses différences. Aujourd’hui, un nombre grandissant de personnes est identifié comme étant « anormales ». Les processus normatifs sont de plus en plus nombreux et définissent une « normalité » de plus en plus étroite.
Trois ouvrages {étudiés pour ce projet} décrivent un va-et-vient entre ce qui est de l’ordre de la construction sociale et ce qui est de l’ordre de la construction individuelle ainsi que les processus de stigmatisation qui en découlent. Le problème y apparaît comme étant la façon dont la sphère institutionnelle et médicale « définit » ces personnes. Cette gestion de la différence établit la place de ces personnes parmi nous ou en dehors de nous. Ce projet consiste en la construction d’une mutation sociale ayant pour objectif de construire la banalisation de la maladie et, de fait, un intégration totale des personnes dites « malades ». La révision du statut de la norme est indispensable pour lutter contre le contrôle social. {Des} soldats de l’image devront permettre de construire les conditions d’une mutation sociale de notre rapport à l’autre dans une société à venir de la maladie absolue, c’est-à-dire une société de l’intégration totale de la différence.